- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

Tout faux tout flamme

[1]C’est bien connu et c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale. Le 28 novembre 2011, à 8h50, sur la station de radio référent en matière de culture, et après avoir reçu l’actuel secrétaire général d’un obscur parti bleu – brun, un certain Jean-François Coppé, le chroniqueur littéraire François Angelier semble s’amuser du parallèle avec son texte présentant la réédition des Travailleurs de la Nuit chez L’Insomniaque. Evoquer un génial voleur après l’entretien avec l’ancien ministre du budget de Chirac de 2004 à 2007, cela revêt effectivement tous les semblants de la causticité. Seulement, en voulant exhiber sa science et sa verve, François Angelier nous donne en sept petites minutes un véritable festival international de lupinose où à la prétention vient s’ajouter une réelle bienveillance pour l’anachronisme. Jacob, né en 1869, est arrêté en 1901, puis condamné à 20 ans de travaux forcés ! A France Inculture, on s’embarrasse encore moins de précision : Alexandre Jacob cambriolait, Marius Jacob vendait des articles de bonneterie sur les marchés et foires du Berry. Une variante sans importance fort probablement. Décidément, moins on en a, plus on l’étale et moins on remarque que l’honnête cambrioleur n’est pas Arsène Lupin !

[2]France Culture

Emission Tout feu tout flamme

28 novembre 2011

08h50

–          François Angelier ?

–          Bonjour !

–          Tout feu tout flamme du jour, du lundi. Alors, Travailleurs de la Nuit pour commencer avec, comment vous l’appelez ?, Alexandre Marius Jacob ?

–          Voilà, absolument, puisque notre invité d’aujourd’hui était ministre du budget, j’ai décidé de mettre cette chronique sous le signe des sous, du flouze et des picaillons. Comment voler, comment cacher, comment dégager des budgets ? Bon. Un rapport à l’argent, trois formes différentes. En effet, Alexandre Marius Jacob, dont les éditions de l’Insomniaque, à Montreuil, publient Travailleurs de la Nuit. Alors Alexandre Jacob, c’était le modèle d’Arsène Lupin. C’était un des plus grands cambrioleurs, anarchiste de la Belle Epoque avec Jules Bonnot, l’homme qui déclarait le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. Il était né à Marseille en 1869, d’un père boulanger. Il a commencé très rapidement à protester contre l’injustice sociale. Dès l’âge de onze ans, en étant mousse sur un paquebot, vers Nouméa, il découvre ce que c’est qu’être un bagnard jeté au fond d’une soute, ce que c’est que d’être un machino surexploité. Donc découverte précoce de l’injustice sociale. De retour à Marseille en 1897, après avoir déserté, il fréquente les milieux anarchistes, et il devient LE grand braqueur anarchiste de la Belle Epoque, avec notamment 150 cambriolages répertoriés. Tout le monde trinque : les bourgeois, les curés, les militaires. Il a même un jour laissé dans une église la pancarte suivante : Dieu des voleurs, recherche les voleurs de ceux qui en ont volé d’autres. Alors l’aventure s’arrête en 1901. Il est arrêté. Il est jugé en 1905 ; il prend 20 ans de bagne. Il sortira en 1926. Et l’intérêt de ce personnage, c’est qu’en 1905 on découvre l’écrivain Marius Jacob. On connaissait le militant, on connaissait le bagnard, on connaissait cet espèce de personnage insaisissable ; mais on découvre un écrivain puisqu’il écrit donc une sorte de mémoire, de très long mémoire d’adresse aux jurés et à la justice, où il se justifie et où il se défend. Alors je vais vous en lire un petit extrait : La société ne m’accordait que trois moyens d’existence : le travail, la mendicité, le vol. Le travail, loin de me répugner, me plaît. L’homme ne peut même pas se passer de travailler ; ses muscles, son cerveau possèdent une somme d’énergie à dépenser. Ce qui m’a répugné, c’est de suer sang et eau pour l’aumône d’un salaire, c’est de créer des richesses dont j’aurais été frustré. En un mot, il m’a répugné de me livrer à la prostitution du travail. La mendicité, c’est l’avilissement, la négation de toute dignité. Tout homme a droit au banquet de la vie. Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. Voilà le crédo anarchiste de Marius Jacob.

–          Vous enlevez son premier prénom, hein ! On dit Marius Jacob, c’est çà ?

–          Alexandre Jacob, Marius Jacob, ça dépend. Il y a des variantes !

–          Travailleurs de la Nuit, chez L’Insomniaque !