- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

Marius Jacob : la pochette de 45 tours

[1]L’acéphale culture consumériste nous abreuve continuellement, et depuis belle lurette, d’insipides tranches de vie musicale où l’amour rimerait avec toujours, topinambour et plat au four. La nouveauté a constamment le goût du prémâché et, quand à l’Ouest, à l’Est, au Nord et au Sud, surtout à l’Ouest quand même, il n’y a rien de nouveau sous le sunlight des tropiques, les radios FM s’évertuent à nous balancer les tubes des soi-disant mythiques années 1980. On nous parle alors d’un temps que ceux de vingt ans ne peuvent pas connaître mais qu’ils peuvent consommer. Qui, honteux après coup, ne s’est pas surpris à siffloter les bêtifiants refrains de Désireless, d’Image ou encore de Partenaires Particuliers, en tortillant du croupion comme si l’on se tenait raide, mais sautillant, derrière son synthétiseur ? Nous ne savons pas si la chanson De comptoirs en comptoirs correspond aux canons musicaux de l’époque. Nous ne savons pas non plus la teneur tu texte chanté. Toujours est-il que la pochette du vinyle, datant de 1988, que nous a numérisé et transmis un copain jacoblogueur (merci Rémi) a de quoi nous interpeler.

Le groupe Marius Jacob a eu une existence éphémère. Tous ses musiciens se sont depuis éparpillés aux quatre vents. Certains sont-ils restés à Saint Nazaire où la formation, composée de Jean-Pierre Digabel (chant et clavier), Jean-Louis Giordano (guitare), Eric Le Gouriellec (basse et chœur), Bruno Hervoche (batterie), Yves pailler (saxophone et clavier), Johnny L.A. (harmonica), est née ? Sur la pochette du 45 tours, Rémi Begouen, attablé devant deux trois verres à bière vides et un paquet de gauloises, pose à la manière des poètes montmartrois de la fin du XIXe siècle devant quelques-uns des membres du groupe. Ceux-ci se tiennent au comptoir du bar, la chemise blanche immaculée et bien rentrée à l’intérieur du futal. Prestigieux look des années 1980 oblige.

La chanson ne semble pas avoir grand rapport avec l’honnête cambrioleur qui, rappelons-le, cultivait une certaine aversion pour la dive bouteille, le nom du groupe, lui, est sans équivoque possible. On le doit à Jean-Pierre Digabel qui voulait saluer le passage oublié d’Alexandre Jacob, de retour de l’enfer carcéral guyanais, en octobre 1925 à la prison de Saint Nazaire.

Oublié ? Pas sûr même si l’internement a été de très courte durée (du 18 octobre au 30 novembre 1925). La maison d’arrêt a aujourd’hui disparu. Le groupe Marius Jacob aussi. Mais, il y a quelques temps (2004), quelques membres de la section locale de la FA ont posé une tout aussi éphémère plaque commémorative sur la façade [2] de l’immeuble bâti à l’emplacement de l’ancienne prison. On pouvait lire : Immeuble Alexandre Marius Jacob, anarchiste cambrioleur (1879 – 1954), ex-interne du bagne, incarcéré ici en 1925, acteur de la reprise collective. La mémoire libertaire, qu’elle soit individuelle ou pas en matière d’illégalisme et qu’elle soit ou non celle des vaincus de guerre sociale, ne l’a pas oublié.