- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

Anars bagnards 1

[1]Où il est écrit que du détenu politique l’on passe rapidement au bagnard de droit commun. Condamner plus, pour éliminer plus. 1er épisode

L’INSTITUTION DU BAGNE

CHAPITRE 1

LA DEPORTATION POLITIQUE MERE D’UNE TRANSPORTATION DE MASSE

Le bagne[1] [2] colonial apparaît comme l’une des résultantes d’un long processus de réaménagement de l’espace carcéral français qui tend progressivement à mettre en rapport répression et révolution sociale. En effet, les grandes vagues de réformes qui secouent l’institution pénitentiaire au cours du XIXème siècle, reflètent les valeurs et les exigences en matière judiciaire et pénale des politiques qui justifient l’enfermement puis le bannissement des condamnés de droit commun.

A/ La déportation politique

Dans l’histoire du droit pénal, d’autres périodes ont été marquées par l’expulsion des criminels de la mère patrie. Cependant, comme le souligne Patricia O’Brien :

« La nouveauté, au XIXème siècle, a été de considérer l’exclusion comme une peine complémentaire alors que le système carcéral de cette époque avait pour but affirmé de favoriser la réinsertion. »[2] [3]

S’il nous semble important de présenter les caractéristiques de la déportation en France des « mal-pensants » ou des opposants politiques, c’est parce que nous tendrons à démontrer que progressivement un glissement s’opère dans le système pénal. Il repose sur un double aspect : la menace (ou le danger) et la représentation du crime politique. En effet, « à l’époque révolutionnaire, le criminel politique était considéré comme une menace extrême. A la fin du siècle en revanche, ce sentiment s’est reporté sur le criminel endurci. »[3] [4] Cette constatation nous incite donc à souligner que l’instauration du bagne, à travers la déportation puis la transportation, repose sur une volonté consciente d’anéantir toute forme de résistance au système de valeurs politiques et sociales dominant.

Dans le code pénal de 1810, il apparaît que la déportation et le bannissement sont réservés de façon exclusive aux crimes politiques. En effet, l’instabilité politique qui suivit la Révolution française jusqu’en 1870/71 a permis de développer la déportation pour raisons politiques au point que cette peine fut considérée dans le code pénal (notamment le loi du 8 juin 1860 qui instituait la déportation en enceinte fortifiée pour remplacer la peine de mort abrogée en 1848 en matière politique) comme peine essentiellement politique puisqu’infâmante. Les lieux de déportations furent : Le Mont Saint-Michel, Belle-Ile, Doullens, Ham et la Corse ; plus éloignées furent les Iles Marquises et la Nouvelle Calédonie et les territoires continentaux coloniaux : l’Algérie et la Guyane[4] [5].

En 1791, Daniel Lescalier, ordonnateur de la colonie expose dans un livre : Des moyens de mettre en valeur la Guyane française, l’idée d’installer une colonie pénitentiaire comme moyen de développement et de mise en valeur du territoire. L’objectif est de « faire renaître à la vertu des hommes que des besoins impérieux ou de mauvais exemples ont corrompus, tel est l’emploi qu’on peut faire de cette partie de la Guyane. Le point central de l’établissement pénitentiaire, avec 250 hommes de garde, sera sur les bords de la rivière Mana. »[5] [6]

De nombreux Conventionnels avaient lu ce livre qui venait de donner sa vocation à la Guyane laquelle devient dès lors « terre de bagne »[6] [7]. C’est ainsi que la Convention décide d’envoyer en Guyane les prêtres réfractaires, appliquant ainsi la loi d’août 1792, qui précise :

« -Article 3 :

Passé le délai de 15 jours, les ecclésiastiques non sermentés qui n’auront pas obéi aux dispositions précédentes (de sortir du territoire de la République) seront déportés à la Guyane. »[7] [8]

Cette mesure sera affinée en avril 1795, où il est établit que les ecclésiastiques séculiers et réguliers « seront sujets à la même peine ceux qui seront dénoncés pour cause d’incivisme par six citoyens dans le canton; à l’exception des vieillards de plus de soixante ans et des infirmes. »[8] [9]

La guerre maritime avec l’Angleterre empêcha dans un premier temps le transport à destination de la Guyane et, ce n’est qu’à partir de 1795, que la déportation sera effective au grès des remous politiques ou des événements révolutionnaires. Parmi ces condamnés politiques nous pouvons citer Collot d’Herbois (qui y mourut), Billaud-Varenne (qui y survécut) et le Général Pichegru (qui s’en évada).

Au printemps 1798, le Directoire fit déporter plus de 300 condamnés dont une majorité de prêtres qui, en quelques mois, furent décimés par la maladie[9] [10]. L’échec d’une possibilité de réelle colonie pénitentiaire se fait alors sentir, compte tenu de l’ampleur de l’élimination physique des individus. Ainsi, pendant plus de cinquante ans, la Guyane ne recevra plus un seul condamné ; l’expiation des malfaiteurs et des mals-pensants sera assurée par les prisons et les bagnes portuaires de Toulon, Brest et Rochefort.

[1]B/ A la recherche d’une machine pénitentiaire idéale

Si les troubles politiques de 1848 à 1851 ont entraîné la déportation outre-mer, l’instauration du bagne, c’est à dire de la transportation des condamnés aux travaux forcés, ou forçats[10] [11], dans les territoires coloniaux correspond à une tendance déjà ancienne qui depuis 1825 s’est manifestée de plus en plus fortement.

L’objectif recherché est toujours l’instauration d’une machine pénitentiaire idéale : « de 1820 à1850, les politiques du bagne montrent que la peine des travaux forcés a effectivement rempli les deux fonctions qui lui étaient assignées : être rentable grâce à l’exploitation méthodique et intelligente de la force de travail des forçats, assurer l’exclusion sociale, le marquage rigoureux des condamnés. »[11] [12]

Dans cette recherche d’un idéal carcéral et pénitentiaire, se succèdent un certain nombre de réformes, et l’étude de l’histoire de l’emprisonnement reflète, comme il se doit, des stratégies politiques et sociales inductives.

Jusqu’en 1820, la politique du bagne, ou son absence, se borne à gérer l’héritage des galères. L’organisation et la réglementation de la vie du forçat, dans les bagnes métropolitains, sont les mêmes de 1660 à 1820 ( sauf pour les peines mutilantes).[12] [13]

La population des forçats se compose de « délinquants militaires (condamnés pour désertion, insoumission, insubordination, vente d’effets militaires, etc.), de prisonniers de guerre (!), de détenus politiques et de « droits communs » (ceux-ci multipliés par les crises économiques de l’Empire et aussi par la sévérité des incriminations) ».[13] [14]

Cependant, un changement concernant les prisons est en cours depuis 1810, ou plus exactement le 22 septembre, un décret impérial attribue 11 millions de francs pour l’organisation d’un système centralisé de prisons en France. Cette décision marque une étape importante dans l’aménagement de l’espace carcéral français. Les maisons centrales de détention seront différentes de tout ce qui avait existé auparavant, remplaçant les structures de vie de l’Ancien Régime. Les pièces communes et le mélange des individus deviennent des structures d’habitation organisées dans l’espace pour faciliter l’amélioration de l’hygiène et le perfectionnement moral du prisonnier. C’est ainsi qu’un développement notable de cette politique carcérale amène à répertorier en 1842, dix-neuf prisons centrales, soit une population de 13000 hommes et femmes.[14] [15]

Les années 1820/1830 sont marquées par un ensemble de réformes dont l’un des objectifs officiels est la moralisation du bagne, mais peu à peu d’autres arguments, qui seront alors récurrents tout au long de ce XIXème siècle, déterminent le sens des réformes : augmenter la capacité productive des arsenaux (travailler au relèvement de « la Royale »[15] [16]) et rentabiliser le bagne en utilisant plus efficacement la force de travail des forçats. « Discipliner et produire, telles sont les nouvelles règles de l’économie des bagnes ».[16] [17]

Lors d’une vague de réformes pendant les années 1830/1840, le système carcéral se réaménage de façon significative, prenant la forme de « laboratoires humains expérimentaux »[17] [18]. Les prisons centrales sont destinées à tester des principes d’organisation et de traitement qui pourraient être applicables à l’ensemble du système carcéral. Il faut adapter les conditions de détention au souci de rendre possibles la réhabilitation et la prévention de la peine. L’échange international des idées et des modèles a aussi favorisé l’expérimentation en matière de peine.

En effet, les procédures françaises concernant, par exemple la réclusion individuelle suivent, de loin, la même recherche faite aux Etats-Unis. Le système de Philadelphie a d’ailleurs été le plus populaire sous la Monarchie de Juillet surtout entre 1840 et 1847.

Mais, si le réamménagement de l’espace carcéral est une première constatation importante, celle-ci se double également d’une redéfinition du système de répression et de l’échelonnement des peines en général.

L’échec de l’institution des bagnes métropolitains repose sur le danger qu’ils représentent pour la sécurité publique : la recrudescence de la criminalité vers le milieu du siècle et un mouvement philanthropique et humanitaire caractéristique de l’époque de 1848 en sont les causes principales. C’est alors l’amorce d’une troisième période importante de l’évolution pénale.

L’expérience de l’Angleterre en matière de transportation dans ses colonies en Australie et en Tasmanie, attire déjà les regards dès la fin du XVIIIème siècle. Ainsi, dès 1818, le ministre de l’intérieur Laîné, dans un rapport au roi sur la mendicité, la prison et les bagnes, se demandait s’il n’y aurait pas lieu de transporter aux colonies les condamnés aux travaux forcés. S’il est alors inspiré par une idée de préservation sociale, bientôt une nouvelle idée apparaît, celle du relèvement du coupable : « un projet de régime pénitentiaire qui procurerait l’amélioration morale des condamnés ».[18] [19]

Par la suite, la Monarchie de Juillet hésitera cependant entre le système de la transportation outre-mer et le système de redressement inauguré aux Etats-Unis dans les pénitenciers d’Auburn et de Philadelphie. En effet, l’ouvrage de Tocqueville, La démocratie en Amérique, dont l’objet initial était de construire un rapport sur le régime pénitentiaire américain, marque fortement les esprits. Mais suivre ce modèle pénitentiaire apparaît alors comme trop coûteux et le bagne métropolitain est maintenu.

Lorsque la Révolution de 1848 éclate, les prises de position par rapport au bagne et à la transportation évoluent, forçant ainsi les responsables à agir. Deux facteurs principaux en sont à l’origine : les intérêts de la France bourgeoise et le mécontentement des ouvriers .

Tout d’abord, les troubles sociaux violents ont ému la bourgeoisie, celle-ci ayant mis ses espoirs dans le Second Empire pour affirmer le pouvoir de l’argent et la défense de la propriété. Aussi, tout ce qui peut y faire entrave : voleurs, socialistes, révolutionnaires et vagabonds, fait peur. Beaucoup pensent d’ailleurs que les bagnes des ports ne peuvent suffire à tenir obéissantes les classes dangereuses et qu’il faudrait trouver de nouvelles solutions.

De plus, la crise économique provoque le mécontentement progressif des ouvriers qui se montrent de plus en plus hostiles à la concurrence du travail des condamnés dans les bagnes métropolitains. Ils sont aussi, compte-tenu du contexte économique, sur la voie d’être « gangrenés »[19] [20] par les idées socialistes.

[1]C/ La charte des travaux forcés : une création du Second Empire

Ainsi le 5 juillet 1848, l’Assemblée décrète la transportation contre tous ceux qui avaient pris part aux journées de Juin. En novembre 1850, Louis Napoléon  Bonaparte donne son aval pour de nouvelles formes de déportation coloniales :

« Six mille condamnés renfermés dans nos bagnes grèvent le budget d’une charge énorme, se dépravant de plus en plus, et menacent incessamment la société. Il me semble possible de rendre la peine des travaux forcés plus efficace, plus moralisatrice, moins dispendieuse et plus humaine en l’utilisant aux progrès de la colonisation française. »[20] [21]

Les idées favorables à la transportation font leur chemin, mais les premières mesures seront prises aux dépens des condamnés politiques, un an plus tard.

« Décret du 8 décembre 1851 :

Article 1 : Tout individu placé sous la surveillance de la haute police qui sera reconnu coupable de rupture de ban, pourra être transporté, par mesure de sûreté générale dans une colonie pénitentiaire, à Cayenne ou en Algérie.

Article 2 : La même mesure sera applicable aux individus coupables d’avoir fait partie d’une société secrète »[21] [22]

Il faut attendre le rapport du député du Miral le 4 mai 1854[22] [23] pour que s’étende de façon officielle et systématique la transportation aux condamnés de droit commun.

Quels sont les objectifs réels de ces nouvelles propositions qui veulent transformer la peine des travaux forcés ?

« Deux idées principales dominent le projet qui est soumis à votre examen : l’accomplissement des travaux forcés hors du territoire continental ; l’obligation d’un séjour perpétuel dans les colonies pénales, même après la peine subie, pour tous les condamnés au-dessus de huit ans, et pour ceux au-dessous de huit ans, d’un séjour égal à la durée de leur peine. Cette obligation de séjour est la disposition nouvelle du projet : elle est sans précédent dans notre législation : la peine des travaux forcés est ainsi associée à une transportation au-delà des mers. »[23] [24]

Ici, apparaît clairement la volonté d’éloigner de façon quasi définitive les condamnés, afin non seulement de régler le problème des récidivistes et l’organisation de bandes qui tendaient à démontrer que les bagnes et les prisons étaient des foyers de corruption, mais aussi celui des condamnés libérés, qui, repoussés de partout, juraient une guerre à mort à la société, comme le souligne du Miral lui-même :

« La peine actuelle, de l’aveu de tous, est devenue inefficace ; elle a perdu son caractère d’intimidation en conservant un caractère de flétrissure. Il est donc urgent de la remplacer, il l’est plus encore, peut-être de préserver la société contre le contact des libérés. Ce contact impur, contagieux, est de gros périls, la proportion des crimes commis par les récidivistes le prouve jusqu’à l’évidence.

La loi nouvelle remédie à ce dernier danger, en ce qui concerne les forçats libérés, par un moyen radical que rien ne peut suppléer, ni égaler. La perpétuité de l’expatriation qu’elle prononce n’est pas seulement pour la société une préservation sans égale, elle est aussi un puissant moyen d’intimidation.

Tels qu’ils sont réglés par la nouvelle loi, les travaux forcés prennent un caractère plus exemplaire, ils constituent une répression plus énergique, parce qu’ils sont subis au-delà des mers, parce que le plus souvent, ils le sont sans possibilité de retour. »[24] [25]

Le second aspect du rapport, qui est aussi le deuxième volet des motivations politiques de la transportation, est l’idée de colonisation pénitentiaire qui vient se renforcer avec l’accroissement d’une demande de main-d’oeuvre causée par l’abolition de l’esclavage en 1848[25] [26].

Il s’agirait ainsi de mettre à profit le travail des forçats pour le développement infrastructurel et économique de la colonie ; ce travail utile, contribuerait de façon annexe au relèvement moral du condamné : permettre un amendement plus facile et durable « loin des lieux où sa faute fût commise, il devient un homme nouveau : propriété, famille, rapports sociaux, estime de lui même, tout redevient possible. Dangereux dans la métropole, dans la colonie il est utile. »[26] [27]

Nous avons vu que les premiers essais de colonisation pénitentiaire s’étaient révélés être un échec dû à la dureté du climat. Les réalités sanitaires confrontées aux réalités climatiques et aux exigences du système pénitentiaire ne pouvaient en aucun cas donner de résultats probants. Mais, il n’en fut visiblement pas tenu compte…

La loi votée le 30 mai 1854 par le Corps législatif[27] [28] et ratifiée par le Prince-Président devenu Napoléon III qui découle du rapport du Miral, devait demeurer la Charte du bagne pendant plus d’un siècle. Les deux premiers articles en déterminent clairement le sens :

« –Article 1 : La peine des travaux forcés sera subie à l’avenir, dans des établissements créés par décret de l’empereur, sur le territoire d’une ou de plusieurs possessions françaises autres que l’Algérie.

Article 2 : Les condamnés seront employés aux travaux les plus pénibles de la colonisation et à tous autres travaux d’utilité publique. »

L’article 6 définit le « doublage » à savoir le bannissement quasi-définitif de tout condamné aux travaux forcés :

« –Article 6 : Tout individu condamné à moins de huit années de travaux forcés sera tenu, à l’expiration de sa peine, de résider un temps égal à sa condamnation. Si sa peine est de huit années au moins, il sera tenu d’y résider toute sa vie. »

L’article 11 prévoit la possibilité de changement de statut si une volonté de « rachat des fautes » est observée :

« –Article 11 : Les condamnés des deux sexes qui se seront rendus dignes d’indulgence par leur bonne conduite, leur travail et leur repentir pourront obtenir :

1/ L’autorisation de travailler aux conditions déterminées par l’administration, soit pour les habitants de la colonie, soit pour les administrations locales ;

2/ Une concession de terrain et la faculté de le cultiver pour leur propre compte.

Cette concession ne pourra devenir définitive qu’après la libération du condamné. »

La Guyane est désignée par l’Assemblée comme principale terre d’exil et d’expiation par le décret du 27 mars 1852. Le 30 mars part l’Allier avec à son bord 298 condamnés extraits des bagnes de Rochefort et Brest et trois déportés politiques. Un mois plus tard, la Forte en emmène 347 autres. Cette même année partiront 2200 condamnés en vertu d’un décret et sans bénéficier de la nouvelle loi.[28] [29] La nécessité d’une main d’oeuvre bon marché est sans aucun doute à l’origine de cette mesure. Pendant tout le Second Empire ce sont 18079 forçats[29] [30], hommes et femmes[30] [31], qui seront transportés vers leur nouvelle terre d’exil : la Guyane.

Toutefois, la transportation vers la Guyane sera suspendue de 1867 à 1887 pour être dirigée vers une autre colonie : la Nouvelle Calédonie. Dès 1857, l’empereur, inquiet des rapports pessimistes sur la situation sanitaire en Guyane, déclare (à l’ouverture de la session législative de 1857) qu’un projet de loi concernant le transfert des établissements pénitentiaires, est en cours d’élaboration. La Nouvelle Calédonie est choisie pour un essai (décret du 2 septembre 1863) et les premiers convois arrivent en 1864. Le climat se révèle être plus clément que celui de Cayenne. Aussi, dès 1867, tous les forçats métropolitains sont transportés vers cette île du pacifique. Dès lors, et jusqu’en 1887 seuls furent envoyés en Guyane les condamnés coloniaux (« arabes » et « annamites »), mieux résistants au climat.[31] [32]

La transportation vers la Nouvelle Calédonie est définitivement suspendue à partir de 1897.[32] [33]

La demande de répression consécutive à la révolution de 1848 a entraîné des transformations notables en matière pénale et carcérale. Ebauchée sous la IIème République, une véritable machine répressive est mise en place requérant un système policier plus efficace, changeant le regard porté sur les possibilités du relèvement du condamné ou du délinquant.

Pour la première fois, un grand nombre de détenus mineurs se rebellant contre l’institution et créant des difficultés particulières sont placés dans des colonies agricoles[33] [34], qui sont de véritables bagnes pour enfants[34] [35]. Cette mesure s’inscrit dans la même logique que l’éloignement des condamnés aux travaux forcés lesquels considérés comme particulièrement dangereux sont transportés vers les bagnes coloniaux où ils ne peuvent ni influencer, ni corrompre les ouvriers français.

La peur de la criminalité urbaine joue un rôle important dans cette évolution de l’institution pénitentiaire : envoyer les jeunes rebelles à la campagne et transporter les adultes dangereux résultent du processus capital qui a séparé les classes laborieuses des classes dangereuses et qui a séparé le crime de la pauvreté.

Après  la Commune de 1871, la tendance dominante souligne le lien entre crime et révolution sociale. Dès 1875, une nouvelle image des classes dangereuses surgit. Il s’agit de l’élite de condamnés qui a l’habitude de fréquenter les institutions pénales : les multirécidivistes.

« Cette population flottante ne constitue pas seulement un danger au ponit de vue de la sécurité de la société, elle constitue aussi un danger au point de vue de la sécurié politique. » [35] [36]

La délinquance et le petit délit de droit commun peuvent constituer en alliance avec l’émergence des idées socialistes au sens large. La peur d’une révolution sociale est toujours présente pour la bourgeoisie.


[1] [37]Il s’agit de la dénomination des prisons par connotation avec les prisons d’esclaves dans le tout Proche Orient qui étaient pourvues de bains pour l’hygiène et contre les épidémies ; provient de l’italien « bagno ». Sa signification est : « système de détention et système coercitif mettant à disposition des travailleurs serviles. »cf. Pierre Octavia « Quelques aspects du bagne et de la déportation en Guyane française », Equinoxe, n° 20, juillet 1985, page 13.

[2] [38]Patricia O’Brien, Correction et châtiment, Paris, PUF, « Les chemins de l’histoire », 1988, page 273.

[3] [39]Idem.

[4] [40]Op.cité, Pierre Octavia, Quelques aspects du bagne et de la déportation en Guyane française, page 14.

[5] [41]Michel Pierre, La terre de la grande punition, Paris, Ramsay, 1982, page 14.

[6] [42]Idem.

[7] [43] Ibid page 15.

[8] [44]Idem.

[9] [45]Idem.

[10] [46]Initialement le forçat est un condamné aux galères de droit commun ou bien esclave ; provient de l’italien « forzali » : homme astreint à travailler par la force. Cf.op.cité, Pierre Octavia « Quelques aspects du bagne et de la déportation en Guyane française », page 13.

[11] [47] Michelle Perrot (sous la direction de),L’impossible prison , recherches sur le système pénitentiaire , Paris, Le Seuil, 1980, page 165.

[12] [48]Ibid page 174.

[13] [49]Ibid page 173.

[14] [50]op.cité.Patricia O’Brien, Correction et châtiment, page 30.

[15] [51]op.cité.Michelle Perrot, L’impossible prison, page 174.

[16] [52]Idem.

[17] [53]op.cité, Patricia O’Brien, Correction et châtiment, page 31.

[18] [54]op.cité.Michel Devèze, Cayenne, déportés et bagnards, page 117.

[19] [55]op.cité.Michel Pierre, La terre de la grande punition, page 16.

[20] [56]Ibid.page 17.

[21] [57]J.Petit (sous la dir.),La prison, le bagne et l’histoire, Genève, Médecine et Hygiène,1984, page 91.

[22] [58]Le Moniteur, annexe du procès-verbal de la séance du corps législatif du 4 mai 1854.

[23] [59]Op.cité .Michel Devèze, Cayenne, déportés et bagnards, page 121.

[24] [60]op.cité.page 122.

[25] [61]Op.cité.Pierre Octavia « Quelques aspects du bagne et de la déportation en Guyane française », page 18.

[26] [62]Op.cité, page 122/123.

[27] [63]Présentée en Annexe n°7.

[28] [64]A.N. F 7 12710. Documents sur cette première grande transportation de criminels de droits communs.

[29] [65]A.N., Série H. H6 et H7. Guyane et Nouvelle Calédonie. Correspondance, projets, listes de transportés, 1852-1863.

[30] [66]Pour l’histoire de la transportation et de la déportation des femmes se référer à : Odile Krakovitch, Les femmes bagnardes, Paris, Didier Orban, 1990.

[31] [67]Op.cité.Michel Devèze, Cayenne, déportés et bagnards, page 141.

[32] [68]Pour un tableau complet des vagues de transportation et de déportation vers la Nouvelle Calédonie et la Guyane ainsi que les effectifs, voir Annexe n° 6.

[33] [69]Op.cité, Patricia O’Brien, Correction et châtiment, page 32.

[34] [70]Jules Brunin, L’enfer des gosses, dix ans dans les bagnes d’enfants, Bruxelles, Jacques Antoine, 1975, 183 pages.

[35] [71] In op cité, Patricia O’Brien, Journal officiel, 21 mai 1875, Le Vicomte d’Haussonville, page 3575.