[1]Nous évoquions dans notre article en date du 3 mai dernier la Vision des îles du Salut qu’ont pu nous transmettre les écrits de journalistes, les souvenirs de bagnards et le livre du Docteur rousseau. L’impression première d’enchantement « était loin d’être dantesque » pour reprendre l’expression de Paul Roussenq dans L’Enfer du bagne. Mais « les îles sont la terreur des forçats » nous dit Albert Londres en 1923. L’insularité accroit en effet l’impression d’un monde clos, étouffant, total, et où il n’y a rien à faire sui ce n’est attendre, souffrir et mourir. On ne s’évade pas des trois Roses comme Alexandre Jacob les décrit à sa mère le 22 février 1910. Les forts courants, les requins et la cinquantaine de gardes-chiourme, particulièrement violents, empêchent de facto le bagnard d’embrasser la Belle. Mais ce sont surtout les sinistres cachots de la réclusion de l’île Saint Joseph qui donnent à l’archipel sa non moins sinistre réputation. Se crée alors un étonnant paradoxe entre la fonction du lieu et son « décor pour femmes élégantes et leur ombrelle » (Au bagne, 1923). C’est encore ce paradoxe que nous révèlent les clichés qu’Eric, ami internaute, nous a envoyés. Merci pour lui.
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Albert Londres
Au bagne
Chapitre X : Dans les cachots
collection 10/18, 1975, p.82 :
Au centre, l’île Royale qui domine est le fléau. Saint Joseph d’un côté, le Diable de l’autre sont les plateaux. Dernière balance de la justice, telles apparaissent les îles du Salut.
A vue d’œil, c’est ravissant. Elles forment, en pleine mer, l’un de ces petits groupes imprévus qui charment les dames et leur font dire au commandant d’un paquebot : « Oh ! commandant ! si vous étiez gentil, vous vous arrêteriez là ! ». Des cocotiers les parent. C’est vert, bien tenu. On vous affirmerez qu’un opulent casino orne le plateau de Royale, que cela vous semblerait naturel. Décor pour femmes élégantes et leurs ombrelles !
Les îles sont la terreur des forçats.
On interne aux îles les sujets à surveiller, les coupables de plusieurs évasions, les fortes têtes, les meneurs. C’est le foin fonds du bagne, les oubliettes de la transportation.
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