- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

Le sel de Jacob et l’aisselle de Jimmy

Les Ecrits de Jacob, réédition 2004 [1]Les Ecrits de Jacob sortent des presses de l’Insomniaque en 1995. Neuf ans plus tard, la réédition, augmentée et complétée, voit enfin le jour. Le hors-série n°25 du Monde Libertaire, spécial « plage » en date du 8 juillet au 8 septembre 2004, consacre une page à ce superbe ouvrage. Et c’est le vainqueur de Russel Crowe, aussi style si particulier, reconnaissable entre tous, et aux jeux de mots lourds comme une victoire du Hongrois aux présidentielles sur la nunuche en charentaises, qui se charge de commenter l’ouvrage. Et qui le fait bien ! « A emporter sous l’aisselle » nous dit Jimmy le gladiateur, l’homme qui parle aux éléphants de la patrie (Libertalia, 2008). D’où le titre de l’article !!!! Monsieur Gladiator dresse alors le portrait de « notre camarade Jacob ». Et, si l’on peut regretter que le sommaire du ML annonce « Marius Jacob : c’est le plus grand des voleurs », allusion évidente à la chanson de Jacques Dutronc et donc à qui vous savez, le texte du Versatile met d’abord en avant « la prose libre » d’un « irréductible » où l’aventurier ne prend pas le dessus. Jacob devient ainsi un rehausseur de goût. D’où encore le titre de l’article très certainement.

Monde Libertaire, hors série n°25, 8 juillet-8 septembre 2004 [2]Le Monde Libertaire

Hors Série n°25

Du 8 juillet au 8 septembre 2004

Le sel de Jacob

UN LIVRE à lire pendant les vacances, que vous partiez en villégiature (aux Seychelles?) ou que vous restiez casanier, ayez sous l’aisselle les Ecrits d’Alexandre Marius Jacob, militant anarchiste né en 1879, condamné au bagne en 1905, libéré en 1928, décédé de son plein gré en 1954. «Depuis que j’ai eu l’âge de raison, je me suis évertué à choisir comme ennemis les rentiers, les propriétaires, les industriels,les militaires et les prêtres. »

Il s’agit la d’une nouvelle édition aug­mentée et complétée depuis les précédentes impressions en deux volumes chez le même éditeur, qui rassemble ses déclarations publiques, sa correspondance de forçat et d’ ensuite (lettres à sa mère, à Jean Maitron, à Pierre Valentin Berthier, aux époux Humbert …), témoignage sans pareil sur la praxis anarchiste d’ avant la guerre de 1914-1918, chronique en sa chair de ce qu’était le bagne – que d’aucuns (suivez mon regard sar­trien : à droite et à gauche) aimeraient bien aujourd’hui voir renaître.

Tout au long de cette épopée collective puis individuelle, notre camarade Jacob demeura fidèle à son engagement libertaire (cambrioleur innovateur et ingénieux, il contribua notamment, avec une vingtaine de complices monte-en-l’air, au financement du Libertaire et de Germinal, brûlot d’Amiens) et porta sur le monde un regard clairvoyant mais dénué de tout désespoir. Anarchiste de la vieille roche, sa pensée était imprégnée d’un rationalisme non dogmatique qu’il sut mettre au service de la « reprise individuelle ». Aventurier dans l’âme, ce Marseillais savait percer, mieux encore que les coffres-forts, les mystères du coeur humain – lequel au bagne se montre a nu. Poète par le fait, il dépasse Fantômas et sa « Bande des Chiffres » pour caresser Hugo, Ducasse et Duprey : sa «bande », sans chef à la Olrik, s’intitulait « les travailleurs de la nuit ».

Le Jacob écrivain a du style, ce qui ne gâte rien, pétillant d’ironie critique et de faconde méridionale. Sa plume et sa voix sont toujours sous-tendues par un humour à la Jarry ou à la Vaché : « Je me lève, je ne me découvre que par politesse quand on me salue, mais je ne veux pas me lever devant vous, magistrats, parce que vous vous croyez supérieurs a moi, parce que je ne descends pas du ciel mais du singe, et que le singe ne lèche pas la main qui va le frapper », dira-t-il à l’ouverture d’un de ses procès.

Cette prose libre à tous égards trace l’au­toportrait d’un irréductible : malgré un quart de siècle d’emprisonnement, Jacob ne cessa jamais de s’opposer à toutes les formes de pouvoir. Et ses rêves subversifs restent plus que jamais actuels – propres à de nouvelles appli­cations dans un monde où l’économie entend triompher de toute dignité et de toute socialité.

L’ouvrage (848 pages) s’agrémente d’un instructif appareil critique, d’un judicieux choix d’illustrations et d’un CD de chansons libertaires d’époque, dont certaines furent écrites par ses compagnons.

Franchement, tout cela pour 25 euros, il n’y a pas à tortiller : mieux que Richter, c’est Jacob qui est en haut de l’échelle.

Jimmy Gladiator