- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

Bonnot et « ses amis »

[1]Du bon usage de la bande à Bonnot

Anarchistes ? Parfaitement ! On a beaucoup dit, beaucoup écrit, beaucoup palabré sur les bandits tragiques. Il y eut Bernard Thomas. Il y eut William Caruchet. Il y en eut tant d’autres. Et voilà Renaud Thomazo. « Mort aux bourgeois » (Larousse, 19€50). On prend presque les mêmes et on recommence. Rôles inversés. Cette fois-ci, on sent le flair du flic, la quête polaristique. L’enquête. Ou comment le fait devient divers pour le lecteur d’été. A Paris plage, à Saint Dié plage, à Lacanau plage, à Berck plage ou ailleurs. C’est un roman. C’est un polar. Mieux. C’est une histoire vraie. C’est un polar vrai. C’est vrai donc ça fait encore plus sensations sur la serviette. On mouille. Suspens. Frissons. Eté pluvieux, bouquin nauséeux. Les ingrédients du best seller espéré après promo. Manichéen et simple à souhait.

Pas difficile à comprendre. Les méchants sont méchants. Les bandits, des vrais, du sang et de la tragédie. Les flics, entrés debout dans la carrière, sont gentils. Des héros tombés les pieds devant au champ d’honneur du dieu sécuritaire. C’est pas sous Sarkozy, c’est bien avant. 1912. Pauvre Juin. Dessoudé au mois d’avril ! Et puis, il y a l’automobile. Course poursuite effrénée. A plus de 50 à l’heure. Le truc qui fait sortir le polar de la banalité dialectique. Originalité dans une Belle Epoque assaillie par les Apaches de Paris, mise à mal par les chauffeurs de la Drôme. Manque plus que Roger Gicquel pour affirmer que la France a peur. Et, là où certains vont s’encanailler sur les fortifs, d’autres, en nombre, vont assister au spectacle de Choisy le Roi au bouquet final de Nogent sur Marne. Apothéose tragique. Bonnot, Garnier, Valet doivent crever. On les y aide un peu. Et on met le paquet. Pour ceux qui s’en sortent sans trop de fatales égratignures il est écrit que force doit rester à la loi. La prison, le bagne ou l’échafaud. Justice est faite. Certains en réchapperont après quelques années d’enfer guyanais. Mais la tellement douteuse innocence de Dieudonné ne sert ici qu’une dramaturgie qui envoie Callemin, Soudy et Mounier embrasser la Veuve avant le clap de fin. Et après, l’analyse politique du spécialiste, ou prétendu tel, qui a fouillé les archives pour construire son édifiante scénographie. Grosses ficelles, sanglante ficelles pour faire frémir le pékin. Avec des relents d’apitoiements compréhensifs tout de même. Ce sont des pas de chance, des déclassés qui ont fait le choix de la marge sociale pour jouir de la vie. Le tout sur fond d’anarchisme. Bien vite édulcoré. Le genre faux prétexte, la sempiternelle thématique pour dénoncer cette page de l’illégalisme. Du déjà vu là aussi. Jean Maitron en son temps évoquait les principes de ceux qui ont mal tourné et dont certains (les principes) n’étaient pas à proprement parler mauvais. Ceux qui finalement doit confiner à la curiosité malsaine du lecteur. Bonnot boit de l’eau. Soudy fait du baby-sitting pour les rejetons à la Rirette. Garnier et Valet jardinent à Romainville. Callemin se pique d’ouvrages à caractère scientifique. D’où le surnom de ce dernier. Kibaltchiche est un intellectuel pur jus. Mais ce ne sont toujours là que des égarés, des déviants de la Cause, des mal inspirés dans les locaux de l’anarchie par le fêlé Lorulot ou encore par les très mauvaises idées de Dark Libertad Vador. C’est quand même aller vite en besogne. Schéma classique niant l’idée politique, refusant le droit de cité au sens premier du terme à l’anar qui ne prend pas sa carte dans « le groupe corporatif » « où il y a de la riche besogne pour le camaro à la redresse » (Emile Pouget), à l’anar pour qui « le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend » (Alexandre Jacob), à l’anar qui préfère l’énergie de l’individu à la force de la masse, à l’anar enfin qui n’entend pas s’effacer devant la très hypothétique influence du marxisme babillant. Décidément une histoire de l’illégalisme reste à écrire et ce n’est pas « sur les traces de la bande à Bonnot » qu’on en prend le chemin. Il vaut mieux encore, en attendant, écouter, réécouter « La bande » de Parabellum. Comme quoi, quelques lignes, quelques notes (furieuses certes, partisanes à coup sûr) résument mieux et au plus près la geste des bandits en auto que les quelques 280 pages d’un roman de hall de gare à prétention historique. C’est le titre de la collection du bouquin qui l’affirme : « l’histoire comme un roman ».

 

Saint Dié, le 29/08/07