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SALUT, VICENTE !
Vicente Marti est mort le 14 juin 2006
Certains d’entre nous connaissaient Vicente depuis longtemps. Quand Marianne Enckell nous a proposé de publier La saveur des patates douces et d’inaugurer ainsi la nouvelle collection Communes mémoires, nous avons ainsi pu mieux le connaître. Il nous avait filé un coup de main pour installer des étagères dans notre ancien local, nous qui laissions traîner les choses un peu partout, lui qui nous faisait profiter de son savoir-faire. Nous avons voulu lui rendre hommage en publiant quelques témoignages.
SALUT, VICENTE !
Notre ami Vicente (Vincent) Marti est mort ce mercredi 14 juin 2006.
Il avait raconté ses souvenirs dans un livre intitulé La saveur des patates douces (Atelier de création libertaire, 1998).
Il est né à Madrid en 1926. Ses parents étaient des militants anarcho-syndicalistes qui devaient souvent changer de domicile à cause de leurs activités.
La révolution, il y a assisté, enfant, dans le Levant. Il a vu la création des collectivités, il a vu brûler l’argent. Après la victoire franquiste, sa famille doit vivre dans la clandestinité. En 1948, Vicente et ses proches s’exilent en France après avoir traversé les Pyrénées à pied en plein hiver.
Vicente s’installe alors à Avignon, y apprend le métier de tourneur et la langue française qu’il ignore totalement. Il la maîtrisera ensuite très bien, en utilisant parfaitement les provençalismes.
Il découvre les idées anarchistes et s’investit dans le mouvement libertaire en exil : CNT, FAI, FIJL (Fédération ibérique des jeunesses libertaires). C’est au sein de cette dernière organisation qu’il s’est senti le plus à l’aise. Au début des années 1960, il a participé à des actions clandestines contre le régime franquiste : envoi de véhicules et d’armes, actions explosives contre les intérêts touristiques de l’Espagne. Il connaissait Delgado et Granados qui ont été condamnés à mort et exécutés pendant l’été 1963, pour un acte qu’ils n’ont pas commis. Vicente et quelques autres se sont battus pour leur réhabilitation qui n’est pas encore acquise.
Son engagement n’a pas été exclusivement tourné vers l’Espagne. Sur ses lieux de travail, il a été un syndicaliste actif, particulièrement en Mai 1968.
Entre 1961 et 1976, Vicente a participé activement à l’organisation de campings libertaires dans diverses régions du sud de la France. Durant l’été se retrouvaient jeunes et moins jeunes de tous les pays d’Europe. Avant l’arrivée des campeurs, il fallait souvent défricher, nettoyer et installer des sanitaires. Ces campings étaient gérés de manière collective.
À la fin de l’année 1976, le roi d’Espagne Juan Carlos fait une visite en France. Plusieurs militants sont alors assignés à résidence à Belle-Île-en-Mer dans le Morbihan. Vicente, connu pour son activisme, fait partie de ces « prisonniers ». Un film retrace cet événement qui ne manque pas de côtés amusants (Vacances royales réalisé par Gabriel Auer, 1980).
À l’âge de la retraite, Vicente n’est pas resté inactif. Il a parcouru les mers de la Grèce à l’Érythrée avec des jeunes dits « en difficulté ». Il a mis son savoir-faire d’ouvrier au service du CIRA de Lausanne, de la Comunidad del Sur de Montevideo ou de la compagnie de théâtre de rue Ilotopie. Et dans son jardin du Pontet, près d’Avignon, il a même construit un bateau !
CIRA de Marseille
Dans l’ouvrage L’anarchisme en personnes, Marianne Enckell nous parle en quelques mots de Vicente :
« J’ai sauté une étape importante de ma vie, la douzaine d’années d’une belle histoire avec Vicente Marti. Grâce à lui j’ai retrouvé des pans d’histoire, un militantisme au quotidien, des engagements très concrets, en Espagne ou en France. Nous avons exhumé le récit d’une école libertaire en pays valencien, au début des années vingt 15, et parlé avec des anciens élèves qui n’avaient rien oublié. Nous avons passé en revue, en rédigeant son autobiographie 16. la résistance contre Franco, l’histoire souvent conflictuelle du Mouvement libertaire espagnol en exil et celle des campings libertaires. J’ai partagé de loin ses engagements dans des entreprises alternatives, artisans du bâtiment ou éducateurs en bateau, où il a insufflé une bonne dose d’anarchisme et d’autogestion. Il a beaucoup travaillé au CIRA, où il a amené des ribambelles de copains, où il a séduit les copains par ses dons de conteur et ses connaissances techniques. Accepter et surmonter nos différences culturelles n’a pas toujours été facile, mais la relation avec Vicente m’a sans doute rendue plus riche, plus forte, voire un peu plus tolérante. »
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