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Poésie d’un rebelle
Réfractions n° 27 - 2011

Imaginez un gamin italien, mis en prison parce qu’il a organisé avec ses camarades une évasion collective d’une maison de correction. Devenu peintre-décorateur autodidacte, il se fait homme de lettres.

Ce Gigi Damiani, auquel ce livre est consacré, est l’image même de ces anarchistes italiens qu’un siècle au moins de répression dans leur pays va transformer en porteurs de flambeau à travers le monde. Brésil, Belgique, Suisse, France, Espagne, et même Tunisie, il parcourt ces pays, vit souvent en clandestin, et malgré cela il réussit cet exploit peu commun de lancer des journaux, d’en éditer, et toujours d’y écrire. Tout ce travail est mis au service de la création d’un contre-public libertaire, au Brésil d’abord, puis surtout en Italie, où il s’affronte au fascisme. Toute l’histoire italienne de la période défile sous vos yeux avec une fenêtre sur l’ami Malatesta. En filigrane apparaissent les figures des femmes : épouses, gouvernante, fille : pour une fois, l’entourage féminin des héros n’est pas sacrifié.

J’ai appris, par exemple, que le drapeau rouge et noir avait déjà été utilisé en 1877, par la Bande du Matese. Puis, retrouvant un appel à l’aide de Satan, figure du rebelle, j’ai compris que les allusions nombreuses au Christ, si fréquentes dans la presse anarchiste de l’époque, avaient aussi quelque rapport avec la fameuse Vie de Jésus de Renan.
Damiani se sert de sa plume comme d’un poignard. Dramaturge, il met en scène le squelette du soldat inconnu ; son humour noir, ironique, apparaît aussi dans sa poésie. Il n’a pas de mots trop durs sur la veulerie du peuple, ce qui fut aussi le cas d’Emma Goldman : gardons-nous de prêter aux anarchistes un humanitarisme littéraire et une croyance en la bonté fondamentale des individus.

N’oublions pas, non plus, l’importance de la poésie dans les décennies passées : les réunions et la presse anarchistes accordaient une large place à cette esthétique de l’affectivité. Pour Damiani, ce fut aussi un moyen de franchir la censure.

Isabelle Felici, auteure également d’un ouvrage sur la colonie Cecilia du Brésil (chez le même éditeur), nous offre ici une analyse technique de cette poésie, avec de nombreuses citations traduites en français. Le style est limpide, illustré par des gravures de la presse de l’époque. Mais surtout, l’imposant travail de recherche et d’érudition condensé dans cette brochure en font un bijou pour l’historien et, pour tous, une (re) découverte de la tradition poétique anarchiste.

Ronald Creagh