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Ni l’arbre ni la pierre
Le Patriote beaujolais du jeudi 11 mars 2021

Eusebio Pinos, la liberté chevillée au corps

En Espagne puis à Villefranche, le militant aura, toute sa vie, œuvré pour son idéal libertaire.

Retracer l’histoire d’Eusebio Pinos Regalado, c’est invoquer la mémoire trop souvent oubliée de ces réfugiés espagnols. Ces exilés du franquisme, devenus résistants face au nazisme et qui, dans leur pays d’adoption, la France, n’ont jamais cessé de croire en leur idéal, le libertarisme.

Pour Eusebio Pinos, tout a commencé à Barcelone, en 1910. « Il y est né même si, dès l’âge de 12 ans, il a suivi ses parents à Sariñena, la terre de mon grand-père paternel, en Aragon », explique Daniel Pinos, son fils, qui a retracé son histoire dans l’ouvrage Ni l’arbre ni la pierre, des combats pour la liberté aux déchirements de l’exil, l’odyssée d’une famille libertaire espagnole.

Mais, désireux d’autre chose et de sortir de sa condition, Eusebio Pinos quitte les siens pour retrouver la capitale de la Catalogne et ses tumultes. « Il a découvert une ville en pleine effervescence. Et, très vite, s’est politisé, en adhérant à la CNT (NDLR : syndicat révolutionnaire et anarchique). »

De retour à Sariñena en 1936 et alors que Franco et ses hordes fascisantes mènent un coup d’état contre la jeune république, Eusebio Pinos prend part au comité révolutionnaire qui tient le village. « Ils ont constitué une vraie communauté, en répartissant équitablement les terres. » Des expériences pédagogiques et culturelles sont également menées.

La Calade presque par hasard

Mais, la guerre faisant rage, le jeune Aragonais décide de rejoindre l’armée républicaine. Finalement vaincu, Eusebio, comme des milliers d’Espagnols, est contraint de fuir son pays, « sous les bombardements nazis et mussoliniens. Un moment terrible ».
En France, pays qu’il considérait comme la terre des droits de l’homme, le cauchemar se poursuit. « Il a été parqué dans le camp de concentration d’Argelès. Il n’y avait rien, hormis du sable et des barbelés. » Pourtant, Eusebio Pinos tient le coup, grâce à cette volonté chevillée au corps de résister à la mort. « Et à cette idéologie fasciste qui menaçait l’Europe. »
Sous l’Occupation, le jeune exilé espagnol rejoint d’ailleurs vite la Résistance. Attaque de trains, éliminations de collaborateurs délateurs… Pendant plusieurs mois, il lutte avec les Francs-tireurs partisans. « Mais, au bout d’un moment, il a pris du recul. Il y avait chez lui une lassitude de la guerre. » Pourtant, à la Libération, Eusebio Pinos reprend le combat, en Espagne cette fois-ci. « Avec ses compagnons, ils ont mené, depuis la France, une guérilla contre les franquistes. » Mais, arrêté par la police française, il finit par débarquer à… Villefranche. « Un peu par hasard. » En Calade, impasse de la Quarantaine, il découvre une nouvelle vie de misère, dans un quartier occupé par les immigrés. « Malgré ça, il y avait ici une vraie solidarité. Si bien que mon père, grâce à un ami polonais, a fini par être embauché à l’usine Gillet-Thaon. » Sans pour autant oublier son engagement syndicaliste, puisqu’il devient rapidement secrétaire local de la CNT. Et sans oublier non plus son Espagne natale. « Ici, il a toujours essayé de faire prendre conscience aux Français que le fascisme était encore là, de l’autre côté des Pyrénées. »
Mort en 1976, un an après le dictateur honni Franco, Eusebio Pinos aura, toute sa vie, combattu pour un idéal : la liberté.

Tony Fonteneau