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La Cecilia
LE POULPE n° 26 - juillet août 2001

La Cecilia : une étape sur la voie socialiste libertaire

Entre deux révolutions où des sociétés entières sont vouées à l’idéal libertaire (Ukraine, 1918-1921 ; Espagne, 1936-1939), les anarchistes créent en société capitaliste – lorsque l’occasion se présente – des espaces de liberté où ils expérimentent leurs idées. Giovanni Rossi (1856-1943) est de ceux-là. Partisan de Michel Bakounine au sein de l’Association internationale des travailleurs (AIT), il fonde en 1890 la colonie socialiste la Cecilia, au Brésil. Isabelle Felici en a fait un livre. Avec elle, suivons Giovanni Rossi sur la voie libertaire.

Le vendredi 18 mai 2001, Isabelle Felici, maître de conférences à l’Université de Toulon et du Var, était au nouveau « Café Lecture » (2, rue Baudin), à Toulon, pour parler de son livre sur la Cecilia, cette communauté anarchiste animée par des camarades italiens au Brésil entre 1890 et 1894. Une causerie suivie par une trentaine de personnes.
La colonie la Cecilia est une expérience de mise en pratique des principes libertaires, dans l’Etat du Paranâ. Un rêve fait par le vétérinaire pisan Giovanni Rossi, devenu réalité.
En 1873, Rossi adhère à la section de Pise de l’Association internationale des travailleurs. II a alors dix-sept ans. Déjà, il y propose un projet de vie communautaire en Polynésie. En 1875, il rédige un premier manuscrit de son roman, Un comune socialista. Dans cet ouvrage, qui connaîtra cinq éditions, il décrit une communauté socialiste imaginaire. En 1878, ce roman est publié une première fois à Milan par le journal socialiste La Plebe.
En un lieu imaginaire de la côte tyrrhénienne appelé Poggio al Mare, un grand domaine agricole est transformé pacifiquement, après que ses propriétaires aient été gagnés aux idéaux socialistes, en une colonie agraire fonctionnant selon les principes du socialisme. Dans la seconde partie du roman, Rossi, influencé par Bakounine, décrit l’organisation de Poggio al Mare suivant les bases du collectivisme anarchiste : tous les biens de production sont mis en commun, mais chacun bénéficie individuellement du fruit de son travail. Avec le temps, la communauté prospère. ’Tout y est performant, grâce à une organisation rationnelle du travail, à un recours constant à la science.
Après des années de militantisme où il connaîtra la prison, Rossi décide de donner réalité à la fiction. En 1884-1885, il redouble d’efforts pour convaincre de la nécessité d’une colonie socialiste, qu’il situe tout d’abord clans la province de Rome, sur des terrains provenant de la suppression des corporations religieuses. L’accueil est assez froid chez les socialistes.
Outre la presse militante, Rossi se sert des groupes socialistes et autres sociétés agricoles pour faire passer son message. En 1885, il en appelle au Parti socialiste révolutionnaire italien (PSRI), créé en 1881 par Andrea Costa, un transfuge du mouvement anarchiste rallié au parlementarisme. Cet appel de Giovanni Rossi au député Costa demeure lettre morte ; alors que les deux hommes sont pourtant très proches, chacun s’intéressant à la communauté idéale et Andrea Costa ayant même préfacé la 4ème édition de Un comune socialista.
En 1886, pour appuyer ses thèses en matière de « socialisme expérimental », Rossi crée le journal La Sperimentale, dont l’objectif est de développer une propagande en faveur des colonies socialistes expérimentales. Toutes les expériences menées à travers le monde y trouvent un écho favorable : une colonie socialiste près de Paris, à Rio de la Plata (Argentine), la commune rurale russe (le Mir), d’autres expériences conduites en Belgique, au Danemark, en Serbie, en Crète, en Espagne et jusqu’à Java. Et de puiser également dans le passé, avec le communisme à Sparte, le socialisme antique en Italie, ou encore dans l’ atypisme religieux des Quakers. Le journal se fait également l’écho de ce qui se passe dans les colonies icariennes aux Etat-Unis, fondées selon des principes communistes libertaires par le socialiste français Etienne Cabet, à qui une étude biographique est consacrée.
En novembre 1887, Rossi fonde la colonie coopérative agricole de Cittadella, à Stagno Lombardo. Les terres de Cittadella appartiennent à Giuseppe Mori, un mazzinien philanthrope, qui est entré en contact avec Rossi. Si l’expérience s’avère un succès du point de vue des rendements agricoles et des innovations techniques, en revanche Rossi échoue dans sa tentative de transformer Cittadella en une colonie socialiste. La coopérative vivra jusqu’en novembre 1890, sans le concours de Rossi qui s’en est allé.
Las d’expériences malheureuses menées parallèlement ou à la suite de Cittadella, à la fin de l’année 1889 Giovanni Rossi décide de quitter l’Italie. Il compte d’abord se rendre en Californie ou au Mexique, où existent des colonies collectivistes, qu’il souhaite intégrer. Puis Achille Dondelli, de Brescia, lui propose d’aller fonder une colonie en Amérique du sud. En décembre 1889, Giovanni Rossi annonce dans L’Eco del Popolo de Crémone son intention de partir pour l’Uruguay. Il a alors 34 ans.
Sans que l’on sache quels sont les raisons qui motivèrent son changement de destination, Rossi part en toute discrétion pour le Brésil.
Certains de supposer, plus tard, que ce sont les constantes révolutions entre Blancos et Colorados qui lui interdirent l’Uruguay.
Le 20 février 1890, le Citta di Roma quitte Gênes avec à son bord Rossi et quelques futurs colons. Le 18 mars, le navire accoste à Rio de Janeiro. Le 26 mars, Rossi et ses camarades débarquent à Paranaguâ (Etat du Paranâ). De là, il s’acheminent vers Curitiba. Puis les autorités brésiliennes chargées d’attribuer des terres aux immigrants les dirigent vers Sao Mateus. Le 1er avril 1890, Rossi et Benedetto partent en éclaireurs jusqu’à Palmeira, située au nord de ’Sao Mateus. Trouvant cette ville agréable, ils décident d’installer la colonie dans ses environs. La colonie peut ainsi démarrer. Elle aura pour nom la Cecilia, emprunté à une héroïne de Un commune socialista. Elle existera jusqu’en 1894.
On ne vous dévoilera pas la suite, car cela ôterait tout charme à l’histoire. Pour en savoir plus sur la Cecilia et Giovanni Rossi, lisez l’ouvrage rédigé par Isabelle Felici et publié par l’Atelier de création libertaire (ACL). Bonne lecture estivale !

C.N. (groupe « Libertad » - Toulon-ouest)